Santé mentale et souffrance psychologique : les chiffres alarmants
La santé mentale des travailleurs français ne cesse de se dégrader, comme le met en évidence la publication de la 11ᵉ vague du baromètre de la santé psychologique des salariés français, réalisé par Empreinte Humaine en collaboration avec OpinionWay. Ce sondage, mené auprès de 2000 salariés français entre le 7 et le 17 février 2023, souligne une tendance inquiétante.
En effet, 44 % des collaborateurs montrent des signes de détresse psychologique (+3 points par rapport à juin 2022). Parmi ces derniers, 14 % sont en « détresse psychologique élevée ». Aussi, 74 % des travailleurs affirment que l’état de leur santé psychologique est “partiellement” ou “entièrement” lié à leur activité professionnelle. Enfin, les populations les plus affectées par les risques psychosociaux (RPS) restent inchangées : les femmes (49 %, +3 points), les managers (44 %), et particulièrement les jeunes de moins de 29 ans (55 %, +4 points).
Le rapport au travail impacté
L’enquête met en évidence une corrélation entre l’altération de la santé mentale et son impact sur la perception du travail. Notamment, parmi ceux qui “cherchent plus de sens dans leur travail” (70 % des salariés), on observe un taux de détresse psychologique deux fois plus élevé. Parallèlement, la moitié des travailleurs assurent que les difficultés psychologiques ont modifié leur attitude envers leur emploi.
60 % des collaborateurs rapportent que le travail a perdu de son importance dans leur vie. Quant à leur santé psychologique, elle prend désormais une plus large place dans leur vie professionnelle. Ils rapportent également une augmentation des exigences en termes de charge de travail.
Pour finir, avec la tendance actuelle de la “grande démission”, 50 % des employés s’identifient au phénomène du “départ silencieux”. Ce terme fait référence à un phénomène où les employés, au lieu de démissionner de manière explicite, manifestent leur désengagement de façon plus discrète et progressive.
Les entreprises ne s’engagent pas assez
En dépit des multiples efforts déployés par les organisations pour améliorer la qualité de vie au travail (QVT), les résultats demeurent limités. Les salariés (70 % dans l’étude) davantage en quête de sens dans leur travail, souhaitent à présent que les entreprises s’emparent de ce sujet et ne se limitent pas à des initiatives ponctuelles.
D’après le baromètre d’Empreinte Humaine, les collaborateurs aspirent à un meilleur rapport au travail, avec des salaires plus attractifs, une reconnaissance accrue, et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour accroître leur efficacité. D’ailleurs, 71 % des interrogés considèrent que la QVT signifie “travailler autant, mais mieux”, tandis que 19 % pensent que cela équivaut à “travailler moins”.
De surcroît, Empreinte Humaine souligne la persistance d’une “sécurité psychologique faible” au travail. Seulement 40 % des employés affirment qu’il existe un plan d’action de prévention des risques psychosociaux dans leur entreprise. Pour 9 salariés sur 10, les firmes pourraient faire plus en matière de prévention de RPS (stress, harcèlement, surcharge de travail, manque de reconnaissance…).
Selon eux, les 5 principales raisons de l’échec des démarches de prévention sont dues à :
- Un manque d’intérêt des managers de proximité
- Une absence de considération de la direction générale (CODIR, COMEX)
- Un manque de contraintes légales pour obliger les employeurs à protéger la santé mentale des salariés
- Une méconnaissance des bonnes actions à mener
- Une surcharge de travail des managers
Pourquoi les entreprises doivent-elles se saisir de la question
Investir dans l’amélioration du bien-être mental peut paraître onéreux. Cependant, l’inaction serait bien plus préjudiciable à long terme. Les statistiques alarmantes de l’absentéisme en France soulignent l’impératif pour les firmes de prendre davantage de dispositions en faveur de la santé psychologique de leurs collaborateurs, en particulier des managers.
Des conséquences pour les entreprises
La dégradation de la santé mentale des travailleurs a des répercussions négatives sur les sociétés. L’absence des employés crée une surcharge de travail pour leurs collègues, contribuant ainsi à la détérioration de leur bien-être psychique. Cela crée ainsi un cycle néfaste.
Le taux de turnover est également influencé par la santé mentale. Les intentions de départ sont en hausse, avec 39 % (+2 points) des employés exprimant le désir de quitter leur entreprise. 70 % déclarent qu’ils seraient plus enclins à partir en raison de problèmes pouvant affecter leur santé mentale. Cela représente un risque de départ deux à trois fois plus élevé lorsque la santé mentale est altérée.
De plus, le coût engendré est colossal. Entre 2019 et 2022, le nombre d’arrêts de travail indemnisés par le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) a augmenté de 30 %, avec une hausse de 12 % des prestations versées. En plus des dépenses directes, les organisations doivent composer avec une diminution de la productivité, une baisse de l’engagement, ainsi que des dépenses associées au recrutement et à la formation des remplaçants.
Santé mentale : 3 actions à mettre en place
L’enquête menée par Empreinte Humaine fournit des données concrètes pour répondre aux besoins des salariés en matière de santé mentale. Voici 3 initiatives à mettre en œuvre.
1. En faire davantage en matière de prévention des RPS et QVCT :
- Réaliser un audit QVCT.
- Sensibiliser pour informer les collaborateurs sur les RPS.
- Élaborer et mettre en place des politiques claires pour prévenir et traiter les RPS.
- Encourager l’équilibre vie privée / vie professionnelle.
- Mettre en place un programme de soutien psychologique accessible aux employés.
- Réévaluer périodiquement les efforts déployés et ajuster les stratégies en conséquence.
- Recueillir régulièrement le retour des collaborateurs.
2. Mieux former les managers :
- Inciter les managers à jouer un rôle actif dans la création d’une culture d’entreprise qui soutient la santé mentale.
- Dispenser des formations régulières aux managers sur la reconnaissance des signes de détresse psychologique.
- Promouvoir un leadership empathique et exemplaire en matière de santé psychologique.
- Former les managers à la gestion des conflits afin de prévenir les tensions susceptibles d’impacter le bien-être des équipes.
- Offrir des sessions de psycho-coaching sur des thématiques telles que “l’intelligence émotionnelle” ou “valoriser et encourager”.
- Mettre en place des évaluations sur la charge de travail et les conditions psychosociales au sein des équipes gérées par les managers.
3. Créer plus de sens pour un meilleur rapport au travail :
- Impliquer le personnel dans le processus de définition d’une vision commune et de valeurs partagées par l’entreprise.
- Encourager une communication transparente sur la mission, la vision et les résultats de la structure.
- Mettre en place des systèmes de reconnaissance pour souligner les contributions individuelles et renforcer le sentiment de valeur.
- Accorder aux employés une plus grande autonomie dans la prise de décisions, augmentant ainsi leurs responsabilités.
- Favoriser une culture de la collaboration. Les travailleurs pourront de ce fait voir l’impact positif de l’entreprise.
- Proposer des possibilités de formation continue et de développement professionnel pour stimuler l’évolution des employés.
En somme, les entreprises sont à un tournant ! Des mesures décisives s’imposent pour changer la dynamique négative d’une santé mentale qui ne cesse de se fragiliser au sein des équipes.